La dyslexie est un trouble durable d’acquisition du langage écrit qui affecte l’identification des mots et par conséquence, la compréhension et la transcription des textes. Elle toucherait 6 à 8% des enfants et adultes de tous les pays quelque soit la langue parlée ou le système éducatif.
On distingue plusieurs formes de dyslexie :
- dyslexie phonologique: difficultés à faire des liens entre les sons et les lettres
- dyslexie visuo-attentionnelle (lexicale) : difficultés à maintenir l’attention sur les successions de lettres
- dyslexie mixte : regroupant ces deux premières formes et associant parfois des troubles dans la réalisation du geste graphique

Les troubles dyslexiques ont donc un impact important sur les apprentissages car la lecture et l’écriture sont présents dans chaque matière à tous les niveaux de la scolarité.
Dans cet article, je vous propose des activités pédagogiques qui ont fait leur preuve avec des élèves dyslexiques. Pour cela, je me suis appuyé sur des entretiens avec des orthophonistes et la lecture de différents ouvrages.
Avant de commencer à me former aux troubles dyslexiques, un livre m’a été très souvent conseillé et je le recommande à mon tour à tout enseignant ou parent ayant un enfant dyslexique : « 100 idées pour venir en aide aux élèves dyslexiques » de Gavin Reid et Shannon Green. Je me sens également obligé de mentionner « Idées reçues sur la dyslexie » d’Annie Dumont qui a fait volé en éclat beaucoup d’idées préconçues que j’avais.

1) Des outils précis et une méthodologie efficace
-Fragmenter les consignes, étape par étape. Si l’activité proposée inclut plusieurs tâches à réaliser, l’enfant dyslexique risque d’en oublier une partie. Séquencer son travail va donc l’aider à faire plus attention à l’information demandée.
-Importance de la mise en page : Il est nécessaire d’utiliser une police de caractère adaptée comme Times New Roman, Comic Sans ou Century Gothic. Laisser le choix de préférence à votre enfant. Par ailleurs, il faut utiliser des gros caractères, ajouter des illustrations si nécessaire, ne pas surcharger la feuille et espacer les informations.
-Utiliser des supports pédagogiques adaptés :
- Se servir de schémas, graphiques, plans, cartes mentales pour mettre en évidences les points importants d’une leçon.
- Illustrer les textes par des photographies ou des images.
- Faire surligner les mots importants d’un texte.
- Utiliser des gestes comme l’utilisation de la méthode gestuelle de Mme Borel-Maisonny pour apprendre les sons.
- Faire des jeux de vocabulaire avec des cartes à jouer.
- User de couleurs pour distinguer des catégories ou des objets différents.
-Construire un lexique de termes souvent employés dans les consignes d’exercices. En voici un exemple : Glossaire des verbes de consignes.
-Permettre à votre enfant de s’auto-évaluer car cela est utile pour vérifier la compréhension de ce qui est lu ou étudié. Par exemple, au début d’une activité, votre enfant peut se demander : « Quel est mon but ? Qu’est-ce que je veux faire ? Que dois-je savoir avant de commencer ? Pendant l’exercice, il peut se poser les questions suivantes : « Est-ce que j’y arrive ? Ai-je besoin de plus d’outils (leçons, documentation, aide d’un adulte) ? » Et à la fin de l’exercice, il peut de nouveau s’interroger : « Ai-je atteint mon but ? Qu’est-ce qui a marché ou pas marché ? Pourquoi ? Quelle méthode puis-je utiliser la prochaine fois ? » Cette méthode peut être utilisé par tous les enfants (avec ou sans troubles « DYS ») afin de réfléchir à leur façon de travailler et trouver les moyens de s’améliorer.
2) S’adapter au mode d’apprentissage de votre enfant
-Identifier le style d’apprentissage de votre enfant, c’est-à-dire sa façon de comprendre et traiter les informations. Est-il « visuel », « auditif » ou « kinesthésique » (tactile) ? Le professeur britannique Gavin Reid spécialisé dans les troubles spécifiques des apprentissages propose des exemples de questions à poser pour distinguer le style d’apprentissage dominant :
- Visuel : « Préfères-tu chercher des informations à partir d’une vidéo ou en regardant des images plutôt que d’écouter parler quelqu’un ? Est-ce que tu vois dans ta tête (images mentales) les informations et les idées qu’on te donne ? Aimes-tu dessiner et illustrer ton travail ? »
- Auditif : « Préfères-tu écouter pour avoir des informations ou lire un document ? Aimes-tu répéter dans ta tête ce que tu dois apprendre ? »
- Kinesthésique (tactile) : « Préfères-tu, lorsque tu dois apprendre quelque chose, en discuter avec d’autres camarades ou apprendre en marchant, en faisant du théâtre ou des jeux de rôle ? Préfères-tu apprendre en manipulant des objets et en construisant des maquettes ? »
Gavin Reid précise que les enfants dyslexiques ont, généralement, une préférence pour les approches visuelles et kinesthésiques. Mais il ajoute que cela n’est pas figés et peut changer en grandissant.
-Pratiquer la méthode « Ecris, récite, répète » : Par exemple, pour l’apprentissage d’une leçon ou le repérage d’informations importantes à retenir dans un texte, cela consiste à : écrire les éléments importants (mémoire « kinesthésique », relire ce qui a été écrit (mémoire visuelle), se le répéter à voix haute plusieurs fois (mémoire auditive) et ajouter des symboles visuels et des mots-clés à ses notes (renforcer la mémoire visuelle). Cette approche multisensorielle peut s’appliquer à toutes les activités exigeants de faire appel à la mémoire : dates et événements historiques, règles de grammaire ou d’orthographe, terminaison de conjugaison, équations en mathématiques, etc.
-Aider l’enfant dyslexique à mieux se connaître pour prendre conscience de ce qui l’aide ou le parasite dans le processus d’apprentissage. Pour cela, je vous conseille de :
- Repérer les choses qui l’entourent et qui peuvent le perturber quand il travaille (ex : écrans, jouets, affichages au mur,…)
- Mettre en avant ce qui l’aide à mieux se concentrer pour travailler (un bureau rangé, un style de musique spécifique,…)
- Vérifier si cela ne varie pas en fonction du travail proposé car il peut être bien de varier les conditions de mise au travail.
3) Aider votre enfant en lecture
-Améliorer la fluidité de la lecture à travers la méthode Fluence :
- Faire lire un texte adapté au niveau sans consigne supplémentaire.
- Demander de surligner les mots clés (difficiles à prononcer) et faire relire seulement les mots surlignés. Les mots peuvent aussi être écrits par l’enfant.
- Puis faire relire à plusieurs reprises le texte en entier.
- Évoquer le contenu du texte et ce qu’il a compris et terminer l’activité en récapitulant les points clés du texte.
Avec mes différentes classes, je pratiquais cette méthode en rajoutant un temps limité d’une minute pour les inciter à se concentrer davantage sur les mots difficiles et les motiver à lire de plus en plus rapidement. Attention, certains élèves vont alors oublier les marques de ponctuation. C’est à vous de rappeler l’importance de marquer des temps de pause après un point ou une virgule.
-Encourager votre enfant à lire et relire des livres connus et qu’il apprécie. Inciter-le à raconter ce qu’il a compris et retenu de l’histoire, puis le laisser relire encore et lui demander à nouveau de faire un compte-rendu oral en y ajoutant de nouvelles informations.
-Pratiquer la lecture à deux voix : L’enfant choisit un texte ou un livre à lire, puis il commence à lire avec un adulte à haute voix. L’adulte doit respecter la vitesse de lecture de l’enfant tout en lisant correctement pour montrer l’exemple. Si l’enfant oublie un mot ou ne le prononce pas bien, l’adulte le corrige en relisant le mot correctement et l’enfant le répète. Puis la lecture se poursuit. Il est important de ne pas se précipiter dans la volonté de correction. Il est conseillé de s’arrêter et donner environ 5 secondes à l’enfant pour lui donner la possibilité de corriger lui-même.
-Appliquer également la lecture alternée : L’adulte commence à lire à haute voix pour donner l’exemple et l’enfant suit. Puis l’adulte résume ce qu’il vient de lire, il peut paraphraser et explique le lexique complexe pour aider l’enfant à comprendre. Il peut également poser des questions sur ce qui vient d’être lu. Ils émettent ensemble des hypothèses sur la suite de l’histoire et l’enfant poursuit la lecture pour vérifier leurs idées. Puis on reprend toutes les étapes du processus.
-Quand un enfant dyslexique lit un texte, il est également très bien de l’encourager à organiser les informations sous forme de schéma ou de dessin. Cela constituera une aide visuelle pour mieux mémoriser ce qui vient d’être lu. La présentation varie selon le type de texte et les préférences de l’enfant. Dans tous les cas, il est essentiel pour un enfant dyslexique de garder une trace de ses lectures (chapitre par chapitre) ou conserver une note des différents événements de l’histoire.
-Penser à enregistrer des lectures. En effet, permettre à un enfant d’écouter sa propre voix entrain de lire correctement un texte développera sa confiance en lui. Par la suite, les enregistrements conservés pourront être écoutés de nouveau et faire prendre conscience ainsi des progrès de l’enfant.
4) Le soutenir dans l’apprentissage des règles orthographiques
-Créer son propre code orthographique en accord avec l’enfant. Vous pouvez convenir ensemble d’outils mnémotechniques ou d’abréviations pour représenter le vocabulaire de base. Par exemple avec mes élèves, j’utilise ce code de correction créée par une enseignante de cycle 3 (CM1-CM2).
-Faire épeler et décomposer en syllabe les mots est un très bon exercice pour les élèves dyslexiques qui oublient, ajoutent ou mettent régulièrement les lettres dans le désordre. Par exemple, faire associer une lettre à un jeton (différencier les couleurs de jetons en fonction des voyelles/consonnes), puis une syllabe à un jeton, puis un mot dans une phrase à un jeton.
-Pratiquer l’orthographe illustrée. J’ai découvert cette méthode grâce à une collègue cette année. Il s’agit d’intégrer un dessin en utilisant les lettres qui représentent une difficulté. Par exemple, un enfant qui oublie toujours le «h» initial du mot «haut» peut transformer cette lettre en échelle pour ne plus l’oublier.

-Inciter vos enfants à énoncer à voix haute ce qu’ils écrivent, cela les aidera à faire moins de faute ; notamment avec les confusions de sons comme le « b » et le « p », le « d » et le « t » ou l’omission de lettres.
-Constituer une liste de mots souvent utilisés en rédaction et les classer par catégorie de sens. Exemple du début d’une liste possible :
- Sur, sous, devant, derrière,…
- Demain, hier, aujourd’hui, tôt, tard,…
- Beaucoup, peu, assez, trop, moins, plus,…
- (…)
-Développer la stratégie « Regarde, cache, écris et vérifie » pour l’aider à apprendre ou réviser l’écriture de mots. La première étape « regarde » est la plus importante. Il s’agit de repérer les difficultés des mots : lettres muettes, consonnes doublées, sons complexes [an], [in],… Ne pas hésiter à faire des croix, entourer, encadrer sur le mot. Puis, le cacher avec un papier, le visualiser en se le représentant dans la tête, l’enfant peut aussi épeler les lettres à voix haute, écrire le mot et vérifier. Puis recommencer le même exercice dix minutes plus tard et les jours suivants pour fixer la mémorisation.
5) Un environnement cadré et serein
-Un emploi du temps coloré aide beaucoup les élèves dyslexiques (notamment pour le collège). Choisir une couleur différente pour chaque matière pour les distinguer plus rapidement.
-Lui apprendre à gérer son temps en établissant des priorités comme numéroter son travail de 1 à 3 en fonction de son importance et son urgence. Vous pouvez construire un tableau en trois colonnes dans lequel votre enfant note ses devoirs et indique le temps estimé.
-Rassurer votre enfant et l’encourager. Un enfant dyslexique est amené à connaître davantage l’échec dans le système scolaire et cela peut rapidement entraîner une perte de confiance et d’estime de soi. Je vous encourage donc à le valoriser régulièrement.
De nombreuses célébrités sont d’ailleurs dyslexiques comme Agatha Christie (écrivaine), Léonard de Vinci (peintre, architecte, sculpteur, ingénieur, musicien, botaniste, philosophe ; bref un véritable génie !), Winston Churchill (homme politique), Anthony Hopkins (acteur), Steven Spielberg (réalisateur), Albert Einstein (prix Nobel de physique). Je m’arrête là car la liste des personnes célèbres ayant un trouble DYS est encore très longue.
Donc rassurez-vous et rassurez votre enfant. Être dyslexique n’empêchera en rien votre enfant de réussir sa vie, il reste juste à mettre en place une aide adaptée.
Si vous êtes parents, enseignants spécialisés ou orthophonistes, n’hésitez pas à partager vos astuces et outils pour enrichir cet article.
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